Je suis née en Angleterre, à Londres, il y a de cela vingt-et-un an. A ce jour, je n'ai jamais connu ma mère. Peut-être n'avait-elle pas la force de supporter le poids d'une grossesse imprévue. C'est ce que j'avais été ; une erreur de jeunesse. Mais mon père avait décidé de ne pas me mettre en orphelinat, de tenter de m'élever comme il se doit. C'est drôle, d'habitude, ce sont les hommes qui fuient leurs responsabilités mais lui, il a relevé le défi. J'admire réellement sa force de caractère, le boulot qu'il a dû faire pour nous permettre à vivre une vie confortable à tous les deux. J'ai passé une enfance heureuse malgré nos restrictions budgétaires et, dès que j'ai été en âge de pouvoir travailler, je me suis mise en tête de dénicher des petits boulots pour aider mon père qui peinait à maintenir le cap. Il était professeur en philosophie, et malgré son talent, son salaire n'était pas élevé. Il cherchait toujours l'amour, mon père, mais jamais il ne sembla plus réellement heureux qu'avec Rose, une journaliste magnifique qui s'était décidée à partager son quotidien. Mais cet amour qu'il pensait fort s'est terminé le jour où elle est partie sans un mot, comme si mon père n'avait été qu'une aventure sans lendemain, qu'il ne pouvait pas lui apporter ce qu'elle désirait. Il en avait été profondément blessé, mais j'ai été là pour le soutenir et l'aider à se reconstruire. Il est mon pilier et je suis le sien, essentiels l'un à l'autre. Je n'ai jamais su et ne sait pas que la lignée de ma mère héritait d'un gène étrange, de génération en génération. Le fantastique ne faisait pas parti de ma vie, pas encore.

Puis, tout a basculé avec John. Il était beau, charmant, et il m'aimait. Enfin, il le prétendait, je ne saurais sans doute jamais si c'était réel ou non. Nous sommes rapidement sortis ensemble; malgré les préavis de mon père qui ne l'appréciait guère. C'était un rêve éveillé, vraiment. Mais quelques mois plus tard, j'ai appris qu'il avait couché avec une autre femme, qu'il me trompait sans gêne. Je l'ai quitté, sans écouter un traître mot qui sortait de ses lèvres. J'avais été blessée et humiliée, et il était hors de question que je me fasse avoir une seconde fois. C'est ce choix qui marqua un tournant de ma vie. Il n'a cessé de me harceler depuis que je lui avais clairement annoncé que je ne désirais plus rien avoir à faire avec lui ; coups de téléphones, lettres et photos envoyée par la poste. Il ne se passait pas un jour sans que je ne reçoive un signe de lui. Je n'en avais jamais parlé à mon père, trop inquiète de sa réaction, tout en espérant que tout cela trouverait une fin, qu'il finirait par se lasser. Mais tout bascula le jour où je décidais de sortir avec un autre homme.

Ses doigts graciles se saisirent de la poignée de la porte, dévoilant à ses yeux un spectacle horrifiant. Les murs, le sol, les meubles, tout était tâché d'un liquide écarlate, du sang à l'odeur rance qui lui prenait à la gorge. Puis, comble de l'horreur, elle le vit ; le corps du paternel, exsangue, cadavre sur le sol dont la poitrine était couverte de sang, son cœur reposant dans la main de l'ombre assise sur le fauteuil qui lui faisait face. Son cri résonna contre les murs de la scène cauchemardesque alors qu'elle se précipitait vers son père, larmes qui s'évadent de ses yeux lorsqu'elle se rend compte qu'elle l'a perdu. Puis il a le contact haï de la main du meurtrier sur son épaule, qui la force à se relever, à plonger son regard dans les prunelles écarlates qui brillent d'une lumière malsaine, écho aux traits monstrueux de John. Il prend sa tête entre ses mains, et la force à l'embrasser. « Tu n'appartiens à personne d'autre que moi. Chaque personne qui tentera de se faire sienne trouvera la mort. » Ses doigts qui glissent le long de son corps, ses baisers qui cascadent le long de sa nuque sans qu'elle puisse l'en empêcher. Il était fort, beaucoup trop fort. Sa chemise glisse sur le sol, et elle sait que ni les cris, ni les coups n'empêcheront le monstre de faire son œuvre.

Coincée entre mes draps, je ne cessais de ressasser cette scène. Mon esprit serait marqué pour toujours au fer rouge. J'avais réussi à m'enfuir de justesse lors d'une course poursuite acharnée - qui, je n'en doutais pas, n'avait été qu'un jeu pour lui -, frôlant la mort, restant à l’hôpital pendant des mois à cause d'un traumatisme crânien et de plusieurs fractures. Je me suis refermée sur moi même, parce que je savais que désormais, j'étais seule. Horriblement et terriblement seule, avec le fardeau de culpabilité et de la honte qui pesait sur mes fragiles épaules, tout en sachant que son ombre resterait toujours derrière moi, m'empêchant de vivre normalement. Quelques mois plus tard, j'avais loué un appartement à Mystic Falls, une petite ville de Virginie. Je ne serais plus jamais la même, c'était impossible après un tel traumatisme. Le visage du vampire hantait mes pensées comme jamais. Je n'étais pas différente des autres, rêvant de vengeance. C'était banal, mais essentiel. J'avais appris tout ce que je pouvais sur les démons qui hantaient les pires cauchemars des gamins. Je fus engagée à la bibliothèque, là où je pouvais avoir accès à tous les dossiers que je désirais. J'allais chasser ce vampire, et tous les autres qui osaient créé le malheur chez les mortels, les humains.

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